Après une absence de près de 10 ans, La Grappe métropolitaine de la mode a relancé cette année la Semaine Mode de Montréal. Le Collège LaSalle en a profité pour offrir à ses étudiants et au grand public une conférence de type panel, le 15 septembre dernier.
La conférence, animée par Natalie Rivière, PDG de l’agence de communication Commetta, a permis aux panelistes, Josiane Stratis et Marie-Josée Trempe, d’échanger et de partager sur un sujet encore tabou et trop souvent ignoré: l’échec professionnel. Dans le but de faire bénéficier le public de leurs apprentissages, elles ont discuté ouvertement de leurs échecs professionnels, de leurs états d’esprits face à certains événements et de leurs souhaits pour le futur.
C’est dans le cadre du mouvement mondial F.U.N. (pour Fuckup Nights), qui célèbre les apprentissages tirés des échecs professionnels à travers divers événements et discussions, que cette conférence a eu lieu.
«Un parcours professionnel, ça contient beaucoup de hauts et de bas, et quand on est dans le bas de la courbe, on se sent vraiment dans une situation d'échec», explique Natalie pour ouvrir la discussion. «La résilience, c'est, quand on est au creux de la courbe, de continuer quand même pour remonter», renchérit plus tard Marie-Josée.
Marie-Josée Trempe, présidente fondatrice de l'agence de mannequins Specs, a débuté sa carrière dans le domaine de la mode en tant que maquilleuse professionnelle et y a œuvré pendant plus de 10 ans. Elle a travaillé avec les photographes de mode les plus réputés et pour les plus importants éditeurs de magazines de mode. En 1990, Marie-Josée emprunte un nouveau chemin et fonde la notoire agence de mannequins SPECS.
Mais l’industrie de la mode est une industrie «coriace», comme elle le dit. «Certaines personnes font partie des gens qui glorifient le fait que tu te tues au travail […] J'avais envie de changer les choses, mais on me disait que j’étais une ”mère poule”. Moi, ce que je voulais, c'était de me battre pour les bonnes conditions de mes mannequins.»
Cette mentalité promue par l’industrie a beaucoup affecté Marie-Josée au cours de sa carrière. Elle qui se considère comme une femme «hyper sensible et hyper émotive», elle en est venue à remettre en doute ses valeurs profondes et à penser que c’était elle, l’échec. Elle nous explique d’ailleurs cette dichotomie qui existe dans son métier dans le fait de ressentir certaines émotions dans un cadre de travail: «Certaines émotivités sont valorisées, et d’autres sont vues comme une faiblesse. Le fait de pleurer dans un contexte professionnel, c'est encore très mal vu.»
Aujourd’hui, la santé mentale est plus souvent abordée, mais elle reste encore taboue, surtout dans certains milieux. Finalement, Marie-Josée s’est accrochée à ses valeurs et a beaucoup appris malgré les doutes que l’industrie de la mode a installés chez elle: «Il suffit de savoir reconnaitre ses limites, et aussi d'apprendre à se connaitre: comment on est quand on va bien versus quand on ne va pas bien. Et quand on ne va pas bien, il faut prendre une pause. Tu n’es pas un échec quand tu t'occupes de ta santé mentale.»
Josiane Stratis, stratège numérique et ancienne influenceure, s’est fait connaître en lançant, en collaboration avec sa sœur jumelle, un blog mode qui est rapidement devenu très populaire. Puis, cette popularité l’a amenée à devenir influenceure, avant d’être pointée du doigt, en 2020, par d’anciennes collaboratrices. Aujourd’hui, Josiane est de retour sur les bancs d’école et travaille comme stratège numérique dans le monde des affaires, une toute autre industrie de celle à laquelle elle a évolué au sein de sa carrière.
Pendant la discussion, Josiane tente de prendre du recul face aux événements qui ont mis fin à sa carrière d’influenceuse un an auparavant et partage avec le public ses regrets, ses pensées et ses apprentissages.
«Je me suis rendu compte qu’il y a beaucoup de limites que je n’ai pas mis. Il y a beaucoup de choses que j'ai laissé aller et je n'aurais pas dû. Donc je dirais que mon plus gros fuckup, ça a vraiment été de vouloir garder la face en tout temps», raconte Josiane. «En tant que femmes, on n'est pas éduquées à mettre nos limites. Encore plus en tant qu'entrepreneures», renchérit Marie-Josée.
Josiane raconte aussi comment elle a vécu les événements qui ont suivis les accusations portées à son égard. Elle s’exprime sur les menaces et les messages d’insultes qu’elle recevait tous les jours. Malgré la détresse psychologique qu’elle a ressentie, Josiane s’est repris en main et entame une nouvelle étape de sa vie: «J’ai eu besoin d’une année de pause pour retrouver la personne que j'étais avant ces événements. Je suis plus mature, et j'ai appris à me connaitre.»
Ces réflexions et discussions ont amené les deux femmes à souhaiter aux futures générations d’être plus indulgents envers eux-mêmes et les autres: «On est tous des humains, le vrai message qu’il faut envoyer aux gens, c’est que tout le monde fait des erreurs, et personne n'est parfait. Et il est important de le rappeler, surtout aux plus jeunes.» Comme quoi, il y a réellement un apprentissage à tirer des erreurs de certains!
Visionnez la vidéo ci-dessous pour écouter la discussion dans son intégralité: